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LE BLOG DES SAINTMARONS
16 décembre 2005

Troisième épisode : L'avion nous ramène, s'élève

Troisième épisode :

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L'avion nous ramène, s'élève au dessus de la forêt, la frôle puis s'en éloigne lentement, cherchant son chemin. Il  finira par suivre le tracé du grand fleuve pour descendre plein sud.

Nous revenons à Aeroparque, pour prendre la route, en fait la même route, la moitié de la même route, que nous ferons en voiture.

Départ côté de bise, en longeant le Rio de la Plata pour rejoindre tout le trafic nord de la capitale, jusqu'au premier péage. Le souvenir d'Henri flotte...

L'autoroute panaméricaine déroule son ruban très irrégulier, souvent des plaques de ciment, elle est ici ouverte, terriblement ouverte. Les luxueuses voitures côtoient d'improbables charrettes et des tas de tôles, ici les mécaniciens sont orfèvres.

Dans les autres pas, ceux du citoyen Darwin, par exemple. En septembre, octobre1832, il indique, c'est le dernier renseignement que nous avons, une route peu sûre car les colonies du bord du fleuve, installées quelques années plus tôt, ont été abandonnées, et les indiens peuvent attaquer les voyageurs.

Les arbres sont plus grands à mesure que l'on s'éloigne de Bs As, les ombus par exemple, il y a une multitude d'oiseaux inconnus, leurs cris, nous ne savons pas encore leurs chants, entrent dans nos corps par des portes inconnues. Pas ouvertes.

Darwin prendra mal à la tête en octobre à Santa Fe, nous nous tournons à gauche quelques kilomètres avant de l'atteindre.

Un peu plus tôt, vaguement au crépuscule, nous faisons halte, près du point d'eau,  nécessité de la recharge de la diligence, il y a la pluie et le vent du sud qui glace les enfants sous le ciel.

Nous avons quatre heures de plaine, entrés non par effraction exactement, mais quand même une sorte de glissement étrange.

Sur la route, avec l'horizon qui assiège le ruban de l'asphalte, cela se passe plus où moins ainsi :

« Un ciel d'avant la pluie

                        retarde et retarde une stupeur de gris

et de bleus...de bleus, c'est certain, dans l'imminence encore de

                                                                                                se décider... :

                                                il la retarderait

                        jusqu'à cette pénombre dans laquelle il devra se dissoudre

                        son silence, à la fin,

à peine, celui-ci, à peine, très à peine, tombé

ou nié dans un peu moins qu'une divination de harpes, ou d'éclats de lumière,

                        leur écho mais qui flotteraient

en fils peut-être, avec des intermittences, plus loin,

                        dans une quasi cécité, alors, au dessus

du clavier qu'il faut cristalliser, de son côté, il se dirait

                                                            dans cet abîme de lui-même

                        le long des bas côtés ?:

                                    les branches les plus petites

                        devraient pour lui, en conséquence, suivre

guidant des doigts son appel, ou quoi ? joint ou au milieu d'un

                                                                                                mystère de marais

                                                                                    sur le néant des vitres ?

                                    mais le chemin

            s'éclaire, maintenant, dans l'irradiation d'une agonie

                                                                                    que fixe,

            au plus haut, un nuage, ou un cygne

en pleine gloire, ou meilleur encore, en un destin de cocon duquel

                                                                                    on ne saurait

                        s'il prend congé

ou si un fluide d'or ou de rose, au large du ciel, déjà réplique

                                    de ses soupirs le lever du jour... »

Entre Diamante et Parana, poémes inédits

Juan L. Ortiz

            

Deux arrêts, le premier c'était à peu près ainsi : traverser en groupe, les chaussées, les dénivelés semblables à des lits abandonnés entre elles, on monte et on descend. On arrive de l'autre côté

Il faut décrire un peu, des détails, je, tu  regardes les voitures, ou pas et puis bientôt nous, vous mangez des milanesas, des grosses avec beaucoup de Quilmes même si on a pas beaucoup de temps et puis Mauricio va payer tout seul, le métier rentre.

L'endroit est grand, presque vide, dans un côté on voit des produits locaux, saucissons, confitures, alfajores, et voilà.

Et ça fait un souvenir de rien du tout, un souvenir oublié, mais qui revient et te touche l'épaule, en te disant, tu m'avais oublié, et je reviens quand même.

Dans le moment.

La nuit est complète à Rafaela quand nous arrivons, dans peu de temps les indigènes se précipiteront sur nous avec des rafales de bienvenue, ils ne ressemblent pas du tout à des indiens, beaucoup sont blonds et n'ont aucune plume dans les cheveux ni ailleurs. A vrai dire c'est plutôt nous qui aurions l'air de sauvages. Josefina commence une conférence en patois, et comprend enfin pourquoi tant de français vont à Rafaela et l'aiment.

Ses Champs Elysées, le boulevard Santa Fe, les lumières plus brillantes qu'à Las Vegas, et  les pavés du boulevard qui attendent toujours leurs barricades...

Il y a des ballons bleus, blancs et rouges qui décorent les murs du Totem où nous allons manger.

L'émotion monte un peu à la tête, et voilà, pour une fois, une ivresse à laquelle personne ne trouvera à redire...

Juan L. ORTIZ est né à Puerto Ruiz dans l'Entre Rios, il est mort en 1978 à Parana.

C'est un poète du silence et de l'absence, ses textes « se disséminent » sur la page du livre, il arrive, dans un travail de paysan, de typographe, au point où les mots manquent, se raréfient. Il  a travaillé inlassablement, tout au long de sa vie, à ce point d'effacement. Sa ponctuation est un mystère qui rythme de façon énigmatique, mais très soignée, la langue qu'il nous parle.

C'est le plus grand poète de ce pays, bien que tout cela n'ait pas beaucoup de sens.

Et il n'est pas traduit en français.

A demain pour Santa Fe et ses oranges...

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